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ANATOMIE DU SILENCE (Chronique photographique sur Instagram) |
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Perpignan, 2016. Quelques semaines avant la fermeture définitive des Beaux-Arts, au terme d'une lutte qui dura dix ans. Dans les quelques rues du centre ville, plus de 300 boutiques fermées. Un désastre social, économique, politique et humain. Nous n'étions, en fait qu'une boutique parmi tant d'autres, à cette différence près que nous n'avions rien à vendre. |
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LES DESERTS DU REEL : Cette déréalisation qui touche de place en place tous les lieux de notre être, nous invente, à la lisière de ses décors, un présent interchangeable. Tout devient possible : se relooker, changer de vie, échanger sa vie contractuellement avec un inconnu dans les limites d'une réalité télé-observée. On peut tout espérer vivre, à condition que ce soit médiatisé par un passeur, vaguement magicien, animateur, ami des étoiles. Les distances sont abolies par la fiction que servent des décors standards. Nous sommes ici, bien sûr, mais ici et ailleurs ont été façonnés selon la même pensée. Nous y gagnons un sentiment d'omniprésence, alors qu'en définitive, l'univers de notre existence se réduit bientôt à un seul lieu. Une discipline de l'auto-ressemblance s'installe. Chacun milite pour son rôle, avec un engagement proportionnel à la soumission consentie. L'homme révolté lui-même est pris au piège de sa révolte, incapable de renouveler les formes de son dégoût. Lui aussi collabore à l'intrigue. Il en est même l'un des chaînons essentiels puisque sur lui repose la possibilité d'un événement qui reconduirait pour cent ans le récit de sa défaite. Par le jeu, les apparences, le mirage de la virtualité, l'homme a troqué son omnipotence contre une omnipotentialité. Le pouvoir s'est éloigné. Il fait place à une impuissance heureuse. L'homme n'est plus. Il peut être. Il est physiquement absent des décors que je montre. Ces décors sont fait pour qu'il puisse y être et non pour qu'il y soit véritablement.
Sergueï Wolkonsky, 2011
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LE REEL DES DESERTS : Nous nous sommes absentés du réel, parce qu'il se mettait subitement à parler à notre place. Ce n'étaient plus nos mots, ni notre histoire. Nous étions environnés de scripts. Nous n'avions plus de place dans le récit. Notre refus même était scénarisé, ainsi que notre retrait hors des images. Il était dans la logique du drame que la séparation soit consommée entre la scène et les acteurs.
Sergueï Wolkonsky, 2011
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La lumière de ce pays nous scanne. Il ne reste que des plis. La lumière de ce pays nous déplie. Il ne reste de nous que des scans... Dans les plis, le réel s'est incrusté comme une inaccessible saleté.
Sergueï Wolkonsky, 2010
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REALITE DIMINUEE : Dans les déserts du réel, notre environnement s'est progressivement conformé aux rôles qui nous ont été assignés dans la fiction dominante. Si nos vies sont écrites, c'est parce que nous avons cessé d'en être les auteurs et dès lors, nous n'avons plus vraiment de prise sur le réel. Il nous échappe chaque jour un peu plus. Dans le divertissement dont nous sommes prisonniers, la construction des décors et des ambiances est une affaire qui mobilise bien plus que notre attention. Nous nous soumettons volontiers à l'agencement d'une scène où nous rejouons, dans le petit confort de nos ambiances contemporaines, l'appauvrissement généralisé des formes. Ces espaces conçus pour envelopper nos contributions d'acteurs (sociaux, économiques, culturels...) se retrouvent, en dehors de toute période active, aussi déserts que des théâtres, sans doute parce qu'on ne peut qu'y dire son texte et partir. Il serait incongru de vouloir habiter ces lieux où de revenir les hanter.
Sergueï Wolkonsky, 2011
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SHOOTING : Entre deux feux, le regardeur n'a aucune chance. S'il est épargné par le faisceau laser du soldat, il n'échappera cependant pas au snipper que je suis, moi le photo-journaliste d'opérette planqué sous des escaliers ajourés. Ainsi donc les regardeurs, mes cibles, sont tués deux fois : par l'image qui les pointe et par le pointeur qui les shoote.
Sergueï Wolkonsky, 2010
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ARGELES : Dans les déserts du réel, il y a Argelès. Camp puis camping, paradis de la gestion des flux et de la crème solaire. Flux des républicains espagnols de la Grande retirada, flux des congés payés de l'Europe mondialisée. Dans ce lieu improbable, des baraquements ont succédé aux abris de fortune. Les frontières du camping citent les barbelés du camp, mais ici, aujourd'hui, on ne sait plus qui est dedans, qui est dehors. Cette ville, peuplée de modestes fantômes, a la particularité d'être déserte l'hiver et hystérique l'été. Au milieu de la fureur et du silence, un petit monument nous rappelle que ces campings, où les gens du nord coulent heureux leurs vacances à bas prix, ont été construits sur les ruines d'un camp.
Sergueï Wolkonsky, 2011
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TOPOGRAPHIE DES TERREURS : Si le diable se promenait à Berlin, il serait immanquablement attiré par un lieu de pélerinage habité du souvenir de ses forfaits passés : La topographie des terreurs. A l’emplacement même des administrations policières du Reich, une exposition de plein air aligne des photos témoignant de la violence du régime nazi. Cette violence, une rumeur absurde la dit aveugle, ce qui est nier la jouissance de l’oeil qui indifféremment la pratique ou l’observe. Le diable se réjouirait à enregistrer lui-même cette communion des regards dans les scènes morbides entre le scénographe du crime (absent ou présent dans l’image) et son spectateur hagard de 2008. Le touriste d’aujourd’hui, insensibilisé à la violence par trente ou quarante ans de journaux télévisés, n’a jamais qu’une seule et même réaction : il sort son appareil photo. Il n’aurait pas fait autrement s’il avait été dans l’image et dans le temps de cette terreur, dont il prétend témoigner à son tour. Se dessine, dans ce ballet ininterrompu de voyeurs plus ou moins solitaires, une topographie des
regards qui réactive celle des terreurs.
Le regard est un lieu où se rencontrent aujourd’hui toutes les terreurs. Terreur de l’incompréhension, terreur de l’oubli, de l’indifférence. Là même où s’éteint la possibilité de voir, où tout est déjà dit, entendu, vécu sur un mode mineur, où la parole cède la place à un silence inhabité, il n’y a plus de distance possible ; or, sans distance, le regard s’éteint et la conscience devient floue. Terreur ordinaire, quand je ne me révolte plus parce que je n’ai plus rien à dire, car plus rien à espérer, quand mon horizon se limite soudain à la surface de cet écran offert à la fascination des cruautés obscènes, quand la cruauté ordinaire devient l’ordinaire du divertissement.
Face à l’histoire, nous ne souffrons aujourd’hui ni d’amnésie, ni de mauvaise conscience : nous habitons les souvenirs qu’on nous dicte. L’histoire, nous ne la vivons plus, nous nous contentons de la réviser, de la revisiter sans cesse, ce qui revient au même. L’histoire et la culture ne sont plus pour nous que des écrans publicitaires sur lesquels s’inscrivent et se chassent des discours simplifiés qui n’ont même plus la force mobilisatrice des slogans qu’ils étaient sensés guérir. Si le verbe est creux, les images restent pleines. Elles s’engorgent, étouffent. Parfois, il faudrait pouvoir les purger. Cela suppose de notre part que nous acceptions de nous exposer au flot malodorant de leurs éclaboussures, tout ce qu’elles contiennent, tout ce qu’elles cachent. Pourtant rien ne modifiera ces images sur lesquelles se cognent nos regards hébétés, parce que nous ne sommes plus capables de les lire. Devant une oeuvre d’art, qu’elle soit contemporaine ou patrimoniale, nous ne sommes pas moins niais que devant la réalité qui défile sous nos yeux.
Crétinisés par la peur du pire et les délices du vide, nous reprenons insidieusement le chemin de la barbarie. A force d’ avoir été protégés de nous-mêmes et des autres dans l’enfer de nos bonnes intentions, tout est devenu égal. Notre horizon a été aplani. Il ne nous offre plus de hauteurs possibles. Désormais, rien ne nous permet plus de faire la différence entre un stand de merguez, une toile de maître ou un opus de la Guestapo, pas même le désir obscur de nous faire péter la carcasse : Bouffer. Bouffer de l’image, bouffer de la violence et de l’information, sans jamais retourner à l’origine de l’information ou de la violence, bouffer jusqu’à se faire une image assez précise de ce petit bonheur qui est le nôtre. Bouffer sans jamais se nourrir, sans avoir jamais faim, avaler le témoignage de tout ce qui nous domine, avec une reconnaissance qui se lit déjà sur nos yeux. Face à l’abjection, le touriste (ce mot remplace avantageusement celui de regardeur) est toujours du côté du bourreau.
Sergueï Wolkonsky, 2008
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TOPOGRAPHIE DES REGARDS / DANS LA PRISON DES IMAGES |
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TOPOGRAPHIE DES REGARDS / DANS LA PRISON DES IMAGES : Il n’y a que les mauvais photographes qui soient libres, mais la liberté de voir ne leur appartient pas en propre. C’est une liberté dans le désert. A quoi peut-elle leur servir, s’il n’y a rien autour d’eux, sinon la possibilité d’errer à travers des visibilités illusoires ?
Nous ne connaissons en définitive des images que l’enfermement auquel elles nous assignent et nous nous retrouvons prisonniers de nos visions au milieu de nulle part. Comme Sade emprisonné libère et projette ad infinitum le monstrueux spectacle de ses fantasmes, nous poursuivons notre liberté perdue dans un récit qui nous échappe. Nous oublions ce que nos écrans doivent aux murs. Ces images qui nous sautent à la gorge, Nous en sommes dans une large mesure les co-producteurs et non les voyeurs contraints. Elles viennent de nous et prennent source dans notre délectation morbide. AU milieu de ces visibilités étales, dans le silence de la vision, Nous sommes le texte.
La seule place que la société ait fournie à nos esprits n’est-elle pas précisément Cette prison dans laquelle nos regards se tiennent, rejetés et enfermés dans l’image par l’image même, de telle sorte que nous nous trouvions aujourd’hui abîmés en elle ? Le lieu séparé, plus libre et plus honorable, où nos regards nous placent, où le pouvoir des images situe ceux qui ne sont pas avec elles mais contre elles, mais aussi la seule demeure où puisse résider avec honneur un homme libre, c’est le réel ou plutôt le désert auquel il fait place.
Dans cet emprisonnement délectable où nous jouissons d’une liberté paradoxale, nous ne voulons pas tant être libérés que compris. C’est peut-être là d’ailleurs que commence notre asservissement visuel. Etre compris par les images signifie les rejoindre, donc renoncer à cette extériorité qui était la condition même de la critique. Notre volonté n’était pas engagée dans la prison où nous tenaient les images. Elle est anéantie par le désir d’être compris.
L’image fait aujourd’hui la guerre au réel qu’elle était censée documenter. Quand elle gagne, elle prend le pouvoir sur ce qu’elle montre. Elle nous impose une histoire déjà cadrée et son autorité est totale puisque n’est vrai que ce qui est vu par elle. A quoi sert le témoin quand l’image est témoignage, sinon à légender ce qu’elle montre déjà ? Nous sommes dans une large mesure pris en otages par ce que nous voyons aujourd’hui, car notre regard est dirigé et notre opinion construite. un choix a été fait en amont de notre regard entre ce qui est montré et ce qui est soustrait à notre expérience sensible du monde et nous sommes emprisonnés dans ce choix. Cette fragmentation du visible, cette condamnation au détail en gros plan, qui rend presque impossible toute perception raisonnée mais aussi toute reconstitution du corps visible et désirant, relève de la pornographie.
Libérer le regard reviendrait à reconnecter les prisonniers que nous sommes avec le reel, à rompre notre isolement dans l’image en rétablissant des correspondances entre les regards et les choses. Il s’agit de dézoomer, d’élargir le cadre, trouver une distance aimante avec la chose vue et quitter ainsi la pornographie pour revenir à l’érotisme.
Les ophtalmologistes, en étudiant les scotomes, ont découvert un phénomène étonnant appelé rétinotopie. Selon les observations qu’ils ont faites, le monde visuel est systématiquement cartographié à la surface du cerveau. A chaque point du cortex correspond un point du champ visuel, de telle sorte que la topographie du cortex suit celle de la rétine où se forme la première image neuronale du monde extérieur. C’est comme si nous avions trouvé un tunnel pour nous echapper de la prison des images ; mais de quelles images voulons-nous vraiment nous libérer ? de celles qui naissent à la surface de notre cortex, ou plutôt de celles qui s’imposent dans le champ limité de notre vision ?
Sergueï Wolkonsky, 2011
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HISTOIRE DE LA LIBYE : J'ai acquis la certitude que chaque instant contenait tous les autres. A l'échelle de la vie comme à celle de l'Histoire des hommes, je crois qu'il en est de même avec les images : Chaque image contient toutes les images, réduisant en quelque sorte les multiples pouvoirs qui s'exercent, à travers elle, sur les esprits et sur les corps, à une seule et même influence, une autorité récitante.
Le récit, tel qu'il se déroule aujourd'hui, s'appuie sur des images qui ont toutes un caractère mobilisateur et une vocation de témoignage. Mais ces images ont changé et nous ont changé. Etrange paradoxe de notre temps que celui qui consiste à développer des outils de pointe pour saisir les images et à rendre leur circulation presque instantanée au prix d'une faillite qualitative qui se manifeste visuellement par une translation pixellisée du réel. L'outil photo/videographique s'est démocratisé au point d'être une quasi-prothèse. Chacun peut saisir et exporter le flux de ses visions sur le net en jouant au photo-journaliste. Voilà advenu le règne de l'image sans qualité, mosaïquée, floue, grossière, déformée, saccadée, autonome, témoignage immédiat destiné à Youtube, dans l'abolition de toute distance.
Il n'y avait que de l'immobilité dans le détail du mouvement. Il n'y a plus que du commun dans le détail du sensationnel. Ce commun là nous fascine d'autant plus qu'il est la dernière chose qui nous reste en partage : le détail en gros plan qui atteste de la réalité de ce qui est vu, parce que cette voiture, cette cité, ce gamin, cette rue, ces rayons de magasin, tout cela est déjà dans nos vies et qu'un parallélisme opère de manière sidérante entre le proche et le lointain. Il n'est donc plus besoin de se déplacer : ce qui arrive, nous sommes assis ou couchés pour le recevoir. Point de mouvement dans la réception. Pas même un recul ou une inclination. L'information migre vers nous dans une proportion égale aux demandeurs d'asile qui nous arrivent. Contrairement à nous qui les accueillons, ces hommes et ces femmes sont en mouvement avec les images. Une certaine nostalgie de l'image désincarnée saisit certains d’entre nous : ce qu’ils regrettent avec l'information d'avant, c'est qu'elle ne demandait pas de logement et d'allocations familiales, comme ces témoins du monde qui arrive, qui sont aussi candidats à la condition immobile de l'homme occidental.
Les hommes ne font jamais la guerre qu'à l'appui des images, en Libye comme ailleurs, à Tripoli ou à Abou Ghraïb, ce qui confère souvent à celles-ci le caractère de trophées. Les vaicus sont de plus en plus souvent soumis à une double peine : On leur prend leur image et leur vie, sinon la victoire serait incomplète. Les images deviennent des trophées quand elles cessent d'être des coups de grâce. Elles ne souffrent de juxtaposition qu'à l'intérieur d'un récit qui les classe. Dans une révolution ou dans une guerre, tant que la victoire n'est pas acquise par l'un ou l'autre des camps, deux récits s'affrontent dans une comptabilisation des trophées où se dessinent deux séries d'images. Rien ne distingue fondamentalement ces images entre elles puisque dans les deux cas, il s'agit d'induire une opinion. Scènes de liesse, scènes de foule ou de combat, portraits de blessés qu'on évacue, visites de morgues ou d'hopitaux, témoignages de l'horreur des combats, de la barbarie de l'adversaire, de la bravoure des enfants, de la douleur des mères, villes désertées, détruites, bombardées, conquises, reconquises, visions de charniers, hommages à la grandeur du guide...
Le gouvernement par l'image et pour l'image développe un discours simplifié qui vise l'adhésion à un récit commun à travers la manipulation pathique des regards. Dire que l'image a remplacé les idées et les programmes ne suffit pas à rendre compte de l'efficacité de son système. Il y a bien longtemps que l'image a cessé d'être une trace de l'événement dont elle est censée témoigner. Elle n'a peut-être même jamais eu cette passive langueur que nous lui accordons trop généreusement. Elle a bien au contraire une vocation active. Elle est agissante et réagissante depuis qu'elle véhicule un enjeu de mémoire, c'est à dire depuis l'antiquité. L'image a son programme. Elle se donne à voir comme un programme en soi, une incitation à agir ou à réagir.
La capture d'écran relève, sur un mode appauvri, d'une logique proche de celle du shooting, que le photographe professionnel ou amateur dispute au snipper. C'est une embuscade. Les images de notre temps sont des embuscades. Un carottage dans le flux médiatique comme "Trophées de la Libye" pose inévitablement la question de ce que nous avons vu. Ce qui est fascinant avec ces captures d'écrans, c'est que le contenu spectaculaire de l'information qui s'y rattache se dilue au point de ne plus révéler que notre propre goût pour les images. Toute notre peinture s'y retrouve, de l'orientalisme au monochrome. Qu'avons nous vu ? Nous avons vu s'écrire le récit des vainqueurs de tous temps. Mais durant plusieurs semaines, l'histoire a bégayé, elle a hésité entre deux récits. Elle s'est éclipsée dans les grands médias, derrière une actualité plus dramatique, plus globalement émouvante, sans que jamais le flux des images ne s'arrête. Le nombre de visiteurs a chuté sur youtube pour ces films qui témoignaient des assauts menés par Khaddafi le 12 Mars contre les villes insurgées : un tremblement de terre, un tsunami et une catastrophe nucléaire ont détourné l'attention du monde vers d'autres rivages. Nous avons vu tant de choses et nous n'avons rien vu. Qu'avons nous capturé de ce monde en mouvement ? Peut-être avons nous été capturés nous-mêmes par ces images-programmes, figés dans notre immobilité séculaire, en attendant que l'information et les migrants nous placent devant nos propres indécisions : accueillir ou refouler ?
Sergueï Wolkonsky, 2011
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OPATCHITCHI : Je viens en partie du journalisme free lance. En 1991, pour le cinquième anniversaire de Tchernobyl, j'allais faire la connaissance d'un pays en marche vers la liberté. J'ai fait ces photos dans un village de la zone interdite, quatre mois avant l'Indépendance. Quand j'ai repris mes études, dix ans plus tard, je suis retombé sur ces clichés et j'ai été troublé par cet effacement des corps qui ne rend plus visible que les plis où s'incruste un reste de couleur. Ici, il s'agit d'autre chose que d'une simple solarisation : l'humain réduit à une apparition disparaissante, voilà qui coïncide bien avec le moment vécu : les habitants d'Opatchitchi sont réunis dans un abri-bus, sur une ligne qui ne mène plus nulle part : ils attendent simplement des plateaux-repas qui leurs sont livrés quotidiennement par l'administration de la zone... Ces images ont été présentées en 2005 au Centre de la photographie de Genève, en marge de l'exposition de Boris Mikhaïlov.
Sergueï Wolkonsky, 2011
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